CHAPITRE 23
Ramm pénétra d’un pas déterminé dans la pièce où ses hommes étaient rassemblés et attendaient. Les conversations se turent tandis que le chef de la Sécurité parcourait son entourage d’un regard glacial.
« Bon, dit-il. Cela ne sera pas long. Je viens de recevoir l’ordre de procéder à la phase 2 de l’Opération Rafle. Les fugitifs doivent donc être arrêtés immédiatement. Chefs d’équipe, il faut redoubler vos efforts. Je veux que chaque secteur soit revérifié. Travaillez vingt-quatre heures sur vingt-quatre s’il le faut. Il faut les retrouver tout de suite, avant qu’ils n’aient eu le temps d’organiser quelque chose. Compris ? »
Il y eut un murmure exprimant l’assentiment général. « Alors, qu’est-ce que vous attendez ? Allez-y ! » dit Ramm. Les hommes de la force de Sécurité se levèrent et sortirent en rang de la salle d’information. Au poste de garde, un peu plus loin, il entendait les chefs d’équipe réunir leurs hommes et leur donner des consignes pour une nouvelle fouille de la station. Il parcourut du regard la pièce vide et sortit par une porte de côté.
Quand il arriva à la section d’AdSec, il traversa sans s’arrêter la réception et se dirigea directement vers le bureau du directeur. Wermeyer détourna les yeux de l’écran qu’il était en train de consulter et le regarda d’un air étonné.
« Eh bien ? demanda l’ancien assistant en se calant dans le fauteuil de son patron.
— Nous ne les avons pas encore retrouvés mais nous allons le faire. C’est une question de temps. Après tout, ils ne peuvent pas aller très loin.
— Certainement, alors… chargez-vous-en.
— Je m’en occupe, ne vous en faites pas. Comment vont les choses de votre côté ?
— Tout marche à merveille. J’étais en train de regarder les projections pour la fin des travaux de construction des installations concernant le moteur. Nous sommes dans les temps. Hocking a pensé à tout.
— Espérons-le. »
Wermeyer lui lança un regard interrogateur. « Qu’est-ce que vous voulez dire par là ?
— Rien. Je suis seulement un peu inquiet à propos de ce plan, vous savez. Prendre le contrôle de toute une station spatiale… Je veux dire, on n’a encore jamais fait cela.
— Ne vous en faites pas. Faites votre travail et tout ira comme prévu. Vous avez reçu vos ordres ?
— Oui. La phase 2 est en cours. J’ai déjà prévenu mes hommes. Sait-on quand doit arriver l’engin ?
— Pas encore. Hocking nous a dit de nous tenir prêts. C’est ce que nous faisons.
— Et le nouveau programme central ?
— Il est prêt et mis en attente. MIRA ne saura pas ce qui lui arrive. Nous aurons le contrôle de toutes les communications et des fonctions opérationnelles dès que nous recevrons le signal. Et si quelqu’un avait l’idée d’envoyer un appel à l’aide, il ne pourrait pas faire grand-chose. Quant à la résistance…
— La résistance, je m’en charge. Je ne pense pas qu’il y en ait beaucoup. Il fait très froid et il n’y a pas beaucoup de compagnie à l’extérieur…» Il fit un signe de la tête en direction du module d’observation et des étoiles qui scintillaient au-delà.
« Bien. Espérons que nous n’en arriverons pas là. »
Ramm se tourna vers la sortie. Mais avant d’atteindre la porte, il s’arrêta et dit : « Dès que Hocking sera là, prévenez-moi. Nous bouclerons l’aire d’arrimage au cas où Packer et son ami pilote auraient des idées…
— Et vous me prévenez personnellement dès que vous les aurez retrouvés, répondit Wermeyer d’un ton mordant. Cela a assez duré. »
Combien de temps avait duré cette vision, Spence n’aurait su le dire. Quand il revint à lui, il ne restait du feu que quelques braises rouges et la lune était descendue au niveau de la cime des arbres. Le chant nocturne des grillons faisait vibrer l’air et la brise qui descendait du flanc des montagnes avait considérablement rafraîchi l’atmosphère.
Gita dormait profondément, pelotonné auprès des restes du feu de camp, son turban bleu reposant sur un bras étendu. Adjani était assis les jambes repliées contre lui, la tête retombant sur sa poitrine. Kyr, ses longues jambes croisées en tailleur et les bras repliés sur son torse étroit, contemplait les charbons rougis dont la lueur se reflétait dans ses grands yeux jaunes.
Les effets de l’Essila se prolongeaient chez Spence sous forme de fourmillement dans les membres et d’une vibration particulière dans son cerveau ; sa langue conservait le souvenir de sa douceur. Mais le flot des pensées et des émotions qui l’avaient envahi, ce sentiment de communion d’essence et d’esprit s’était évanoui.
« C’est fini », déclara Spence calmement. Le Martien tourna la tête vers lui et le regarda avec intensité.
« Oui, frère Terrien. Il ne nous reste plus qu’à remercier l’Un qui nous a donné l’Essila pour que nous puissions mieux nous connaître.
— Je lui serai reconnaissant jusqu’à la fin de mes jours », dit Spence. Le souvenir de tout ce qui s’était passé était toujours brûlant en lui et il savait qu’il ne s’en séparerait jamais. « Est-ce toujours aussi fort ?
— Certaines fois plus que d’autres. La première fois est la plus forte, mais à chaque fois, c’est différent…» Kyr était à court de mots pour tenter d’expliquer et il se tut. Spence comprit qu’il ne s’agissait pas d’un phénomène que l’on pouvait analyser et expliquer : on ne pouvait qu’en faire l’expérience et l’accepter. Il se demandait si les autres avaient ressenti la même chose que lui.
À cet instant, le vent tourna et Spence perçut un bruit qui déclencha en lui un signal d’alarme. « Tu as entendu ? »
L’extraterrestre pencha la tête. Le chant nocturne de la forêt se répandait en toute tranquillité. « J’entends beaucoup de choses, répondit Kyr, toutes nouvelles pour moi.
— Ce n’était peut-être que le vent…», commença Spence, mais il entendit de nouveau le bruit, plus distinct cette fois : un léger froissement, comme le bruit des feuilles mortes sur l’arbre dans le vent. Et il le reconnut. Il l’avait déjà entendu. « Non ! Pas cela ! » s’écria-t-il en se levant précipitamment.
Il fixa le ciel à travers une ouverture dans le couvert formé par les arbres et aperçut les contours de plusieurs formes noires planant au-dessus d’eux tandis que leur parvenaient les vibrations de leurs ailes dans un bruissement sec.
« Il faut partir d’ici ! s’écria Spence. Le Voleur de rêves nous a rattrapés.
— Qu’est-ce qu’il y a ? Que s’est-il passé ? » Adjani bondit sur ses pieds.
« Le démon est revenu, le démon du Voleur de rêves. Je crois qu’ils sont plusieurs cette fois… Partons d’ici ! »
Spence se tourna vers Gita pour le réveiller, mais Kyr le souleva et le prit dans ses bras et se dirigea à grands pas vers la clairière où était posé son véhicule.
Spence et Adjani couraient derrière lui à travers les hautes herbes en jetant de temps à autre un regard au-dessus d’eux tandis que l’horrible vibration s’amplifiait.
Ils atteignirent le véhicule au moment même où les disciples d’Ortu s’abattaient sur eux. Une voix dans l’esprit de Spence disait : Arrête-toi. Ne cours plus.
Spence s’arrêta et se retourna : il vit une de ces créatures atterrir à quelques mètres. Elle le dévisageait avec des yeux vert phosphorescents, et il aperçut, à la lumière de la lune, la grimace de son visage effrayant et presque humain. Il avait de grandes ailes membranées comme celles d’une chauve-souris, rattachées à un torse d’où partaient quatre bras. La partie inférieure du corps ressemblait à un serpent : la chose était le portrait de la petite amulette découverte par Adjani.
Aussitôt, une autre forme obscure vint se placer derrière elle, puis une autre à son côté. Elles le fixaient de leurs yeux phosphorescents avec un regard maléfique.
« Monte vite ! » Spence sentit un contact sur son épaule et se trouva quelque peu bousculé. « Spence, cria Adjani, viens ! »
Adjani apparut devant lui : il paraissait assez éloigné et tentait de toutes ses forces de lui parler. Quant à lui, il se trouvait inexorablement attiré vers les sinistres créatures aux yeux lumineux. Il se retourna et se mit à marcher dans leur direction. Il sentait bien qu’en lui, une volonté extérieure dirigeait ses pas.
Il se demanda : « Que suis-je en train de faire ? »
Viens, disaient les voix.
« Spence, hurla Adjani. Reviens ! »
Spence s’arrêta et secoua la tête. Il avait presque atteint les monstrueuses créatures quand il se sentit soulevé du sol et emporté vers le vimana qui attendait et rayonnait à présent d’une lumière rouge-orange. Il se débattit pour échapper à cette main de fer et vit Kyr regarder par-dessus son épaule en direction des démons.
Ils avaient presque atteint l’astronef quand il aperçut un éclair dans un coin de son champ de vision. Un des démons tenait entre ses mains un objet brillant qu’il dirigeait vers eux. Au même instant un son puissant le déchira, un son qui lui glaça les os et liquéfia ses entrailles. Kyr trébucha, et Spence qu’il tenait fermement se trouva jeté à terre.
Avant qu’il ait pu bouger ou réfléchir, il sentit des doigts glacés se poser sur lui. Il vit une main desséchée se diriger vers lui et le contact froid de ces mains monstrueuses sur sa chair provoqua en lui des frissons d’horreur. Spence se débattit faiblement, mais sa volonté semblait l’avoir déserté et il ne put se libérer de l’emprise. Il sentit au même moment qu’il perdait connaissance. Des nuages sombres vinrent obscurcir sa vision et ce fut comme si on fendait en deux son crâne pour en extraire son cerveau. Et il ne pouvait rien faire contre tout cela.
Il vacilla au bord de l’inconscience, et vit Kyr allongé à côté de lui, les yeux grands ouverts fixant un ciel constellé d’étoiles. Puis il vit en face de lui un visage monstrueux qui le dévisageait et Spence plongea son regard dans les yeux verts de l’une des créatures. Elle tenait entre les mains une sphère argentée qu’elle abaissait vers lui. Spence sentait que lorsque la sphère toucherait son front, il serait totalement à leur merci.
La sphère s’approchait. Elle n’était plus qu’à quelques centimètres de lui maintenant. Il se contorsionna au sol, mais ses efforts étaient aussi futiles que ridicules. Alors il s’immobilisa et ferma les yeux.
Au même moment, un puissant éclair de lumière rouge traversa l’atmosphère et atteignit le globe : l’objet se brisa entre les mains de la créature et se désintégra.
Il se trouva délivré du maléfice. Il se remit sur pieds et se dégagea des mains de l’horrible créature qu’il attaqua à grands coups de pied.
Il entendit un cri et vit Adjani courir vers lui en portant une longue barre métallique : l’objet luisait à la lumière de la lune et Spence reconnut l’arme dont Kyr s’était servi pour leur venir en aide sur la route, un peu plus tôt ce même après-midi. L’air fut envahi d’une odeur de métal chauffé à blanc et Spence fut saisi d’un violent mal de tête. Ses oreilles résonnaient du fracas d’un océan lointain. Mais il était libre.
Adjani, tenant la barre par une de ses extrémités, la fit tournoyer en direction des créatures les plus proches. Elles s’esquivèrent aussitôt hors de portée et Adjani parvint à saisir Spence par la manche de sa combinaison et à le tirer en arrière vers l’astronef.
« Attends ! Kyr est blessé ! dit Spence. Il faut le hisser à bord. Gita ! Donnez-nous un coup de main ! Vite ! »
Ils se penchèrent au-dessus du corps de l’extraterrestre, le soulevèrent et le portèrent à trois en direction du vaisseau spatial. Spence entendit au-dessus de lui un bourdonnement et vit l’un des démons le doubler. Deux autres étaient campés entre eux et le véhicule. « Ils nous ont coupé la route ! »
Le naga volant les attaqua en piqué. Adjani se retourna et brandit la tige métallique à bout de bras : cette fois encore un éclair rouge fendit l’obscurité. Le coup atteignit le monstre en pleine poitrine alors qu’il s’abattait sur eux les mains tendues, prêtes à saisir. Il y eut un éclair aveuglant et Spence vit la chose faire un bond en l’air vers l’arrière comme si elle avait été brutalement tirée par une ficelle. Un cri déchirant s’échappa de sa gorge inhumaine et la chose s’écroula à terre. Mais à la surprise générale, elle se remit sur ses jambes et alla rejoindre les autres.
« Nous ne pouvons pas rester ici. Il faut tenter le tout pour le tout. » Spence regardait le corps de l’extraterrestre toujours inconscient qui gisait à ses pieds. « Je vais le porter. Vous nous couvrez. Allons-y ! »
Gita, tremblant de tous ses membres, aida à soulever Kyr et à l’installer sur les épaules de Spence tandis qu’Adjani écartait les nagas en brandissant son arme. Le coup porté au premier d’entre eux semblait les avoir rendus méfiants. Mais ils s’étaient regroupés et se rapprochaient.
« Gita, passez devant. Nous vous suivons. Allez ! » cria Spence en poussant Gita devant lui en direction de la forêt. « Allons-y ! » Les démons virent ce qui était en train de se passer et se mirent à hurler de rage. Ils rejoignirent les airs pour continuer leur poursuite.
Spence, portant Kyr sur ses épaules, courait tant bien que mal et le plus vite possible, heurtant de temps en temps les branches et les troncs d’arbres à mesure qu’ils pénétraient dans la forêt. Adjani ne le quittait pas d’une semelle, l’aidant à rétablir son équilibre et le guidant à travers l’épais sous-bois. De temps à autre il se retournait pour lancer une décharge en direction de leurs poursuivants. Ils progressaient en suivant une pente de plus en plus raide. Spence avait l’impression d’avoir marché des heures, mais il s’agissait plus probablement de minutes, quand il sentit ses poumons en feu et ses jambes tétanisées par la fatigue. Mais il continua à avancer.
La forêt était plus clairsemée et le sous-bois moins dense. Il crut apercevoir des lumières à travers les arbres devant eux. « Je crois que je vois quelque chose, s’écria Gita. Oui, c’est le village ! C’est Rangpo là-bas.
— Tu y arriveras ? demanda Adjani. Laisse-moi le porter.
— Non. Cela ira. Continuons. » Spence s’autorisa un rapide coup d’œil en arrière. « Où sont-ils ?
— Derrière nous, mais ils préfèrent rester à une certaine distance.
— Ils ont peur de ton arme.
— Ou bien ils attendent que nous sortions en terrain découvert.
— Je n’avais pas pensé à cela. » Cette perspective ne fit que décourager Spence un peu plus.
Leur chemin devenait de plus en plus raide et parsemé de cailloux. Spence trébucha plusieurs fois et se retrouva à genoux. Chaque fois Adjani l’aidait à se remettre sur pieds et ils reprenaient leur course. Puis ils arrivèrent à l’orée de la forêt, surplombant le village qui s’étendait sur le flanc de la colline au-dessous d’eux. Le bourdonnement obscène des ailes des démons les poursuivait en s’amplifiant, de plus en plus menaçant tandis qu’ils se rapprochaient.
Spence, le cœur battant à tout rompre, à bout de souffle, s’appuyait lourdement sur le bras de Gita. « Eh bien, c’est maintenant ou jamais. Allons-y ! »
Gita murmura une prière et sortit du couvert de la forêt. Spence le suivait de près. Aussitôt un cri fendit l’air et l’une des créatures plongea sur eux. « À terre ! » cria Adjani. Spence se jeta à plat ventre et entendit le crissement des serres frôler son oreille. Il leva les yeux juste à temps pour voir Adjani se précipiter vers eux.
« Attention ! » cria-t-il, mais c’était trop tard.
Adjani, qui surveillait le ciel derrière eux, ne vit pas le tronc d’arbre abattu qui lui barrait le chemin et il tomba lourdement. L’arme qu’il tenait à la main lui échappa, tournoya en l’air pour venir atterrir au milieu des deux camps. Adjani se remit vite sur pieds et plongea pour récupérer le bâton de l’extraterrestre. Il y eut un bruissement dans l’air : une forme obscure s’abattit et enleva prestement l’objet.
Spence, chargé du poids de Kyr, observa impuissant. « Oh non ! » murmura-t-il.
« Regardez ! s’exclama Gita. Dieu soit loué ! »
Spence tourna la tête dans la direction de la voix et vit une haute muraille de pierres faiblement éclairée par la lune. Adjani accourut aussitôt auprès de lui pour l’aider à supporter le poids du Martien. En se partageant la charge, ils se dirigèrent vers le mur.
« Par ici ! Vite ! Le séminaire ! Courez ! »
Ils atteignirent le mur et le suivirent à la recherche d’une ouverture. Gita disparut là où le mur formait un angle mais ils entendirent vite l’appel de sa voix. « Voilà le portail ! Dépêchez-vous, mes amis ! Le portail ! »
Quand ils le rattrapèrent, il martelait la porte de ses mains nues. Une seule petite lampe brûlait dans une lanterne au-dessus de l’entrée. Ils se serrèrent dans le cercle de lumière comme s’il pouvait les protéger des terreurs de la nuit.
Spence déposa Kyr contre le mur voûté. Un murmure s’échappait de sa gorge. « Je crois qu’il se remet. Tu les vois ? »
Adjani, les yeux rivés vers le ciel, répondit : « Non, mais je suis sûr qu’ils sont là-bas quelque part. C’est étrange, mais je ne crois pas qu’ils nous aient suivis jusqu’ici. Je ne sais pas pourquoi.
— Je ne veux pas savoir pourquoi. Du moment qu’ils nous laissent tranquilles.
— J’entends quelqu’un », dit Gita qui continuait à frapper le portail de bois.
Quelques instants plus tard, ils entendirent une voix derrière la porte qui parlait très vite en hindi. Gita répondit et dit : « Je vous en prie, ouvrez ! Nous avons besoin d’aide ! »
Il y eut un grincement tandis qu’on tirait un verrou, la porte s’entrouvrit et un visage apparut dans l’ouverture.
« Qui vient troubler notre repos à cette heure tardive ? » Les yeux noirs qui brillaient sous la lampe les examinèrent un par un.
« Je vous en prie. Nous voudrions nous abriter derrière vos murs. Notre ami est blessé. Pouvons-nous entrer ? »
Il y eut une courte hésitation et la porte s’ouvrit toute grande sur un homme de petite taille dont le crâne chauve luisait sous la lune. « Soyez les bienvenus, mes amis. Que puis-je faire pour vous ? »
Dès qu’ils eurent transporté Kyr à l’intérieur, Adjani repoussa la porte et referma le verrou. Leur hôte scrutait attentivement les visages de ses visiteurs.
Spence remarqua son regard et dit : « Nous ne voulons pas vous déranger, monsieur. Nous ne vous demanderons rien de plus.
— Je m’appelle Devi et je suis le doyen du séminaire. J’allais me retirer dans mes appartements quand je vous ai entendus frapper. Vous avez des ennuis ?
— Nous nous trouvions sur la route, quelque temps auparavant, dit Adjani, et nous avons décidé de camper dans la forêt.
— Nous avons été repérés par des bêtes sauvages qui nous ont poursuivis, dit Gita, les yeux agrandis par la peur. Alors nous sommes venus ici, révérend. »
Devi se mit à rire. « Vous avez eu une rude expérience, à ce que je vois. Et maintenant en ce qui concerne votre ami…» Il se pencha pour examiner le Martien.
Spence s’empressa de dissimuler le corps de l’extraterrestre. « Il s’en tirera. Il est tombé et nous avons dû le porter. Je crois qu’il va déjà mieux. »
Devi hocha la tête. « Je ne veux pas me mêler de ce qui ne me regarde pas. Je ne vous trahirai pas. On sait depuis longtemps que des bêtes sauvages parcourent ces forêts, bien qu’on n’y ait pas vu de tigre ou de lion depuis bien des années. Mais peu importe pour le moment. » Il sourit et Spence vit son crâne chauve se soulever. « Maintenant vous voulez, je pense, vous coucher et vous reposer un peu.
— Nous ne voulons surtout pas vous déranger, dit Adjani.
— Oh, cela ne me dérange pas du tout. Je regrette seulement de ne pas avoir de lits à vous offrir. Ils sont tous occupés. Mais suivez-moi. Je vais vous trouver quelque chose. »
Il fit demi-tour et les conduisit à travers une cour jusqu’au bâtiment principal. L’écho de leurs pas sur la pierre résonnait faiblement. Ils se déplaçaient avec précaution, examinant le ciel à la recherche des silhouettes redoutées. Mais le ciel était clair et la lune brillait. Pas le moindre signe de la présence des démons.